Forum Economique Breton 2024

HERVÉ KERMARREC, PRÉSIDENT DU MEDEF BRETAGNE « LES ENTREPRISES SONT LA SOLUTION POUR CONCILIER CROISSANCE ET RÉGÉNÉRATION DE LA NATURE »

Hervé Kermarrec, Président du MEDEF Bretagne
Le thème du FEB 2023 est « la croissance régénératrice » ce qui peut constituer une audace teintée d’un oxymore puisque ce concept « régénérateur » fut à l’origine associé au mot économie pour donner le concept connu aujourd’hui d’« économie régénératrice » avec des réserves sur la notion de croissance telle que nous la connaissons aujourd’hui. Créditons le FEB de cette audace et de cette forme de clairvoyance en accolant à l’adjectif régénératrice, le mot croissance. Il me semble en effet important de rappeler que nos sociétés occidentales qui reposent sur la liberté d’opinion, le pluralisme, en un mot la « démocratie » mais aussi la liberté contractuelle, la liberté d’entreprendre consubstantielle à l’économie de marché ont nécessité deux conditions : d’une part, l’émergence de la philosophie des Lumières que l’on peut résumer par « l’émancipation par la raison » qui a conduit à la conceptualisation de la démocratie et à un développement considérable de la science et des technologies et d’autre part, l’accès à une ressource très riche en énergie, peu chère, facilement stockable et transportable, le pétrole. Ceci nous a permis d’améliorer considérablement nos conditions de vie (santé, éducation, culture, modes de vie) et de construire des sociétés démocratiques, viables dans la durée, plus égalitaires en droits et en niveaux de vie avec la construction d’un Etat providence redistributeur. Ceci ne fut possible que par l’accès à un extraordinaire concentré d’énergie : le pétrole, qui a donné à l’homme une puissance considérable, à un coût très faible, pour modifier son environnement, un seul litre d’essence contenant à lui seul autant d’énergie que 50 j de travail de force d’un être humain. Toutefois, ces mêmes lois de la physique nous rattrapent aujourd’hui et nous rappellent qu’à ce rythme notre planète deviendra invivable. Nous devons désormais penser notre économie, que dis-je, notre croissance pour coller au titre du FEB, en réduisant rapidement et fortement, notre recours à cette forme d’énergie ainsi qu’à d’autres ressources. Quel défi ! Il me semble essentiel de dégager des modèles de développement qui concilient croissance et sobriété, croissance et économie circulaire, croissance et respect de notre environnement. L’enjeu est énorme, celui de la vie sur terre, et les défis, technologiques, économiques, sont considérables. Nous considérons, permettez-moi l’expression, que nous sommes « condamnés » à la croissance car je ne vois pas comment nous pourrions préserver le vivre ensemble, à l’échelle de nos sociétés démocratiques, avec une économie en décroissance. Les tensions sociales seraient énormes et notre démocratie n’y survivrait pas. Comment dans ces conditions concilier croissance et régénération de la nature ? Contrairement à ce que pensent certains, les entreprises ne sont pas le problème, elles sont LA SOLUTION. La force de l’économie de marché (à distinguer de la collectivisation des moyens de production dont l’histoire a montré tous les malheurs causés aux individus) est d’être particulièrement adaptée à la nature humaine dont l’inclinaison première est de mobiliser sa capacité d’adaptation, son intelligence, que l’on sait grande, pour améliorer ses conditions de vie. De toute évidence, les entreprises, les chercheurs, les scientifiques innovent et trouvent chaque jour de nouvelles solutions, de nouvelles idées, de nouvelles technologies pour une croissance plus régénératrice. Ayons toutefois à l’esprit que les investissements permettant de glisser vers une économie dite régénérative peuvent être moins rentables et même non rentables, au moins dans un premier temps. Et il est de bonne politique publique d’inciter à ces investissements par des dispositifs d’accompagnement adaptés en compensant transitoirement leur surcoût. C’est par exemple ce que fait l’Etat auprès des particuliers avec « Ma prime rénov ». Malheureusement, ces politiques publiques sont trop timides pour favoriser une mutation rapide de notre économie. Cette timidité est liée à la situation de nos finances publiques, structurellement déséquilibrées. Cette situation réduit considérablement les capacités d’intervention de l’Etat. Ceci montre que nous devons avant tout compter sur nous-mêmes, chefs d’entreprise, salariés, citoyens, pour faire preuve d’imagination, d’audace et faire évoluer rapidement et fortement nos modèles de production et de consommation pour que « l’entreprise répare, restaure, réhabilite les conditions du vivant pour ne pas épuiser nos ressources », comme le prescrivent les objectifs de l’économie régénératrice. Nos organisations doivent elles aussi pleinement s’engager auprès des entreprises pour les emmener vers cette nouvelle forme d’économie. Le MEDEF fait beaucoup, le MEDEF Bretagne aussi avec ses 4 MEDEF départementaux et ses 18 branches professionnelles régionales, accompagné d’acteurs majeurs comme EDF, ENEDIS et la SNCF. Le MEDEF Bretagne a ainsi engagé en 2023 une puissante action auprès des entreprises bretonnes en faveur de la RSE. Nous avons conçu plusieurs modules, selon le degré de maturité des entreprises, afin de les amener à s’approprier le sujet pour certaines, à progresser pour d’autres, vers des modalités de production plus vertueuses, tout en préservant leur viabilité économique.