La transition énergétique s’impose aujourd’hui à tous, et la Bretagne n’échappe pas à la règle. La forte croissance enregistrée ces dix dernières années sur le territoire breton (+20% de PIB) s’est traduite par une hausse constante de la consommation en énergie et la flambée des prix du gaz et du pétrole liée au conflit russo-ukrainien accentue la dépendance aux énergies fossiles. Relever le défi de l’autonomie devient donc une nécessité impérative pour le territoire, et pourrait surtout constituer une opportunité stratégique.
L’onde de choc de l’invasion russe de l’Ukraine s’étend jusqu’en Bretagne. Les sanctions économiques bouleversent les chaines d’approvisionnement en énergie et affolent les marchés, déjà sujets à l’inflation depuis la pandémie de Covid-19. Malgré les dispositifs qui se mettent en places pour aider les entreprises à surmonter cette crise majeure, la facture énergétique pourraient venir fracturer le tissu économique dans son ensemble. Rappelons que les produits pétroliers et le gaz naturel représentent respectivement 47% et 16% des énergies consommées en Bretagne qui en l’état doit importer près de 80% de l’énergie qu’elle consomme.
La question est d’autant plus sensible que cette urgence économique vient s’ajouter à l’urgence écologique que nous connaissons. Cruciale, la réponse à cet enjeu passera par la mobilisation de tous les acteurs régionaux et l’accélération des transformations en cours, à commencer par l’arrêt du financement des ressources polluante : « Nous n’aurons plus aucune opération liée au charbon dans nos comptes à l’horizon 2027 », affirme Julien Carmona, président du Crédit Mutuel Arkéa. Même son de cloche du côté de Maurice Bourrigaud, directeur général de la Banque Populaire Grand Ouest qui s’engage à « réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités de BPGO d’ici dix ans ». Il est vraisemblable que les crises que nous traversons accélèrent cette dynamique.
Le mix énergétique breton se met au vert
Manifestement, les investissements dans les énergies renouvelables poursuivent leur essor, comme en témoigne l’importante progression des secteurs de l’éolien, de l’hydrolien, de la biomasse et de l’énergie solaire. En effet, depuis 2005, la part des énergies vertes produites en Bretagne augmente de 3,5% chaque année. Dans le détail, 76% de la chaleur produite dans la région provient de la filière bois-énergie et 60% de l’électricité est d’origine éolienne. Enfin de nouvelles sources encore modestes, car récentes, connaissent une expansion phénoménale. C’est le cas du biométhane, dont l’utilisation a doublé depuis 2015. Les ambitions de la région sont également impressionnantes en ce qui concerne le développement des filières en perte de vitesse, comme l’énergie solaire photovoltaïque que la Bretagne souhaite multiplier par 8 d’ici 2040. La croissance des énergies durables dans la région est notamment liée « aux efforts conjoints des collectivités locales (petites communes et grandes métropoles) et des entreprises (startups et grands groupes), qui portent des projets et détiennent des moyens financiers » constate Emmanuel Jean directeur général chez SMILE.
L’innovation moteur de l’accélération
Ainsi le mix énergétique régional est en pleine mutation, ce qui permet à la Bretagne de produire, en partie, sa propre énergie et de façon durable. Néanmoins la population augmente chaque année sur le territoire. D’après l’Insee, la région comptera 400.000 habitants supplémentaires d’ici 2040. Afin d’éviter que cette hausse ne détériore le bilan carbone de la Bretagne, le Conseil Régional mise sur l’innovation. Au côté de grands groupes, comme Engie ou Enedis, la région investie et planifie de nouveaux aménagements sur le territoire. « Les agglomérations et les entreprises bretonnes repensent leurs mobilités, leurs infrastructures, leurs habitats et leurs industries à travers le prisme des énergies vertes » affirme Sébastien Ramos, directeur régional d’Engie.
Un constat partagé par son homologue chez Enedis, Jean-Philippe Lamarcade : « nous avons enregistré, en 2021, plus de 20% de demandes de raccordements supplémentaires au réseau électrique breton ». Ces demandes viennent principalement d’entreprises et d’artisans désireux de s’engager dans une consommation éco-responsable. Même chose pour les collectivités qui favorisent la mobilité électrique avec le déploiement des bornes de recharge dans les nouvelles zones d’habitat, les copropriétés, et sur le réseau routier. Parmi les solutions innovantes prisées par les acteurs régionaux, l’hydrogène occupe aussi une place de plus en plus importante. Ce vecteur d’énergie peut contribuer à alimenter des unités de production, notamment dans les activités portuaires, et ainsi favoriser l’essor d’industries bretonnes décarbonées.
La prise de conscience de l’urgence est partagée. La volonté des grands acteurs publics et privés est convergente et manifeste, et les investissements croissants participent à l’émergence et au développement de projets innovants. A l’heure où l’Europe et notamment la France cherchent à renforcer leur souveraineté énergétique en réduisant leur dépendance aux ressources fossiles importées, la Bretagne a une vraie carte à jouer pour devenir un acteur majeur des grandes transformations à venir.