Le transport maritime mondial est un pilier essentiel de l'économie globale, reliant les continents et permettant l'échange de biens à grande échelle. Environ 90 % du commerce mondial se fait par voie maritime, ce qui souligne son rôle crucial pour le fonctionnement des chaînes d'approvisionnement internationales. Cependant, cette industrie, souvent perçue comme étant à l'arrière-plan des enjeux environnementaux mondiaux, se trouve aujourd'hui au centre d'une prise de conscience croissante concernant son impact sur le climat. Comme tous les secteurs économiques, son évolution est primordiale avec des défis majeurs à relever.
Pourquoi il est urgent de décarboner le transport maritime ?
Quels sont les grands enjeux du transport maritime ?
Le transport maritime est responsable d'environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), soit environ 1 milliard de tonnes de CO2 chaque année. Ces chiffres sont comparables aux émissions d'un pays entier comme l'Allemagne ou bien à celles de l’aéronautique (même si le transport maritime est quasiment exclusivement au service des échanges économiques de biens là où 70% des émissions du secteur aéronautique dans le monde transportent des uniquement des personnes). Cette empreinte carbone provient principalement de l'utilisation de fioul lourd, un combustible fossile particulièrement polluant, qui alimente la majorité des moteurs des navires commerciaux. De plus, les émissions de soufre et d'autres polluants contribuent à la dégradation de la qualité de l'air, impactant la santé publique dans les zones côtières habitées.
Par ailleurs, la réglementation de l'industrie maritime est complexe, en grande partie en raison de la nature internationale de ses opérations. L'Organisation Maritime Internationale (OMI) de s'est engagée à soutenir l'objectif de développement durable 13 des Nations Unies (Prendre d'urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions) conformément à l'Accord de Paris de 2015 visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'origine du réchauffement de la planète. Dans ce contexte, l’OMI a mis en place des réglementations pour réduire les émissions de soufre et d'oxyde d'azote, et plus récemment sur l’impact carbone, mais ces efforts doivent encore porter leurs fruits. La démarche porte sur la construction neuve mais aussi sur la flotte existante avec l’obligation désormais de mettre en place des plans de progrès pour la réduction des émissions des navires.
Ces obligations réglementaires ainsi que la pression sociétale poussent désormais tous les armateurs et plus globalement toute la chaîne de valeur à repenser les modalités de propulsion et à investir dans de nouvelles technologies. Cette situation implique de nouveau défis : les technologies possibles sont multiples, souvent encore insuffisamment matures pour la plupart et les chaînes de distribution de carburant bas carbone encore inexistantes freinant les décisions d’investissement. Investir plusieurs centaines de millions d’euros dans un navire qui doit opérer plusieurs dizaines d’années tout en intégrant une propulsion décarbonée sans avoir l’assurance suffisante sur son soutage, sa performance et sa robustesse est une prise de risque majeur.
L'Accord de Paris, signé en 2015, vise à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de réduire les émissions de CO2 dans tous les secteurs, y compris le transport maritime. Sans une décarbonation rapide de ce secteur, les efforts globaux pour réduire les émissions de GES seront insuffisants pour atteindre les cibles en termes d’engagement pour le climat.
D’autre part, le transport maritime irrigue l’ensemble de l’économie mondiale. Si le secteur ne se décarbone pas, il pourrait, selon l’OMI, peser près de 17% des émissions en 2050. Sauf à changer drastiquement de modèle d’échanges économiques mondiaux en quelques années, la décarbonation du secteur maritime est impérative. Il n’y a objectivement pas de report modal possible étant donné la quantité de marchandises concernée. Un transport équivalent en avion ou par rail est inimaginable quand bien même ils seraient eux-mêmes décarbonés. Car au-delà des infrastructures nécessaires le besoin énergétique associé serait absolument impossible à satisfaire.
Enfin, les gouvernements du monde entier sont de plus en plus enclins à renforcer les réglementations environnementales. L'OMI, sous la pression des États et des organisations non gouvernementales, envisage des mesures plus strictes pour réduire les émissions du secteur. Les entreprises du transport maritime qui ne s'adaptent pas rapidement risquent de faire face à des amendes, des taxes en lien avec les quotas de carbone, ou des restrictions opérationnelles, ce qui pourrait menacer leur rentabilité à long terme.
Que faut-il faire et comment ?
Quelles sont les réalisations dont le Pôle Mer Bretagne Atlantique peut déjà se prévaloir en termes de décarbonation du transport maritime ?
La transition vers un transport maritime décarboné est un vecteur d'innovation. L'adoption de technologies propres, comme les moteurs fonctionnant à l’e-fuel ou aux biocarburants, le développement du vélique, ainsi que l'amélioration de l'efficacité énergétique des navires, sont autant d'opportunités pour les entreprises de prendre de l'avance sur le marché. Cette transition peut créer de nouveaux emplois dans des secteurs émergents et renforcer la compétitivité de l'industrie maritime.
Sur la méthode ensuite : Les acteurs de la chaîne de valeur sont multiples, des énergéticiens aux armateurs, des chantiers aux acteurs portuaires, des équipementiers aux intégrateurs tous doivent apprendre à mieux travailler ensemble en s’inscrivant dans des démarches collectives et partager une vision commune. C’est ce que promeut depuis sa création, le Pôle Mer Bretagne Atlantique et c’est aussi ce que s’attache à faire le nouvel institut pour la décarbonation du maritime MEET2050 en travaillant au partage de la vision.
Cette transition nécessite des investissements significatifs, il est impensable de tout faire peser sur les acteurs économiques. Cette révolution doit être soutenue par des politiques publiques volontaristes ambitieuses et coordonnées aux échelles nationales, européennes et mondiales. Le financement est clé pour inciter cette transition.
En 2023, e 338 M€ de budget de R&D ont été investis dans la décarbonation via nos projets labellisés contre 143 M€ l'an dernier soit une augmentation de 136%. Cette nette accentuation du montant des projets autour de la décarbonation s’inscrit dans une démarche globale de l’ensemble de la filière guidée par les feuilles de route de la DGAMPA et de la filière des industriels de la mer CORIMER avec une trajectoire claire de décarbonation de l’écosystème maritime pour chaque segment de flotte. De nombreux projets labellisés par le Pôle Mer Bretagne Atlantique ont abordé la question de la décarbonation du transport maritime, qu’il s’agisse de projets autour motorisations alternatives (Blue Boat, Swap 2 Zero), de propulsion vélique (Navire, Silenseas, CWS Prod), ou encore de carburants de synthèse (Shyp-0, LIQHYD) mais aussi de designs innovants (AX-340).
L’émergence de tous ces projets porteurs de développement économique, s’accompagne naturellement de l’organisation d’évènements destinés à mettre en synergie à la fois les acteurs académiques et les entreprises mais aussi les différentes têtes de réseau. C’est l’une des marques de fabrique du Pôle que de jouer collectif à l’instar de la manifestation « Green ship & Green port » ou encore de la coordination du projet européen SMARTDEC (Smart Clusters for Maritime Decarbonisation).
Le transport maritime est à un carrefour crucial où la nécessité de réduire son empreinte carbone ne peut plus être ignorée. Les enjeux environnementaux, sanitaires, économiques, et réglementaires rendent la décarbonation du secteur urgente et indispensable. En s'attaquant à ces défis, l'industrie maritime peut non seulement contribuer significativement à la lutte contre le changement climatique, mais aussi se positionner comme un acteur clé dans la transition énergétique mondiale. L'avenir de l'économie mondiale pourrait bien dépendre de la capacité de ce secteur à se réinventer et à adopter des pratiques plus durables.
Chaque acteur doit comprendre que c’est en s’alliant que l’on réussira collectivement à relever le défi. « Citius, Altius, Fortius – Communiter » est la nouvelle devise des jeux Olympiques qui s’achèvent cette année à Paris, elle s’applique aussi au secteur maritime.