Forum Economique Breton 2024

MATHILDE LE COZ, DRH CHEZ MAZARS « LA SÉCURITÉ DES DONNÉES ET LA FORMATION DES COLLABORATEURS, L'IA AU CŒUR DES ENJEUX RH »

Mathilde Le Coz, Directrice des Ressources Humaines de Mazars et présidente du Lab RH.
C’est une des transformations les plus profondes depuis l’arrivée d’Internet. L’IA générative est en train de complètement balayer le domaine des ressources humaines. Recrutement, formation, gain de productivité, réorganisation du temps de travail, protection des données… Collaborateurs, entreprises et clients sont impactés par cette percée de l’intelligence artificielle. Alors quels sont les enjeux auxquels sont confrontés les RH ? Réponse avec Mathilde Le Coz, DRH de Mazars, cabinet international spécialisé dans l’audit, la fiscalité et le conseil. 
 
En tant que DRH chez Mazars, comment êtes-vous impactée par l’arrivée de l’IA générative dans le quotidien des entreprises ? 

En tant que Directrice des Ressources Humaines de Mazars et présidente du Lab RH (structure qui promeut l’innovation RH et managériale), je suis naturellement engagée dans tout ce qui concerne la transformation des organisations en collaboration avec des startups et les nouvelles technologies. Nous menons et avons toujours mené des initiatives très innovantes en RH pour renforcer notre attractivité. L'année dernière, nous avons recruté 2 000 jeunes diplômés provenant d'universités, d'écoles de commerce et d'ingénieurs. Nous utilisons l'IA dans notre processus de recrutement pour gagner en rapidité et obtenir des réponses précises. Nous travaillons également sur le profil des candidats et sur l'attractivité des métiers. 

L’IA est-elle déjà intégrée dans vos process quotidiens ? 
 
L'IA va devenir de plus en plus une réalité pour nos collaborateurs en termes d'attractivité et de transformation du travail. Cela va accélérer le changement de leur quotidien en les déchargeant des tâches administratives. Ce coup de pouce de l’IA va nous pousser à repenser complètement l’équilibre vie pro/vie perso des salariés ? Que faire de ce temps gagné ? Produire plus ? Faire une formation ? Créer du temps de création, de R&D ? Donner du temps libre aux collaborateurs pour accroître leur bien-être et donc leur performance ? À l’heure où les attentes sociétales évoluent vers plus de flexibilité avec la semaine de 4 jours, le télétravail, le remote… Nous devons nous poser cette question pour que l’IA générative ne vienne pas juste booster la productivité sans améliorer le quotidien des collaborateurs. 

Aviez-vous anticipé l’arrivée de l’IA comme outil quotidien ? 

L'IA en soi n'est pas nouvelle, mais avant elle était encapsulée dans des interfaces. Ce qui est intéressant aujourd’hui avec l'IA générative, c'est qu'elle s'invite désormais dans notre quotidien et s'est complètement démocratisée grâce à des plateformes que nous connaissons tous. Nous savions que l'IA allait révolutionner nos métiers, mais nous ne nous attendions pas à une arrivée aussi immédiate et généralisée de l'IA générative. Il y a trois ans, je n'aurais pas pu prédire cela sous cette forme. 

Cela crée-t-il des inquiétudes chez les collaborateurs ? Notamment les seniors, généralement moins à l’aise sur la question ? 

Chez Mazars, l’arrivée de l’IA ne suscite pas de craintes particulières car nous sommes très familiarisés avec l'environnement technologique. Notre personnel est jeune (en moyenne 29 ans) et déjà habitué au numérique, donc nos équipes sont enthousiastes. Cependant, la sécurité informatique et le RGPD sont des préoccupations majeures. Nous avons dû renforcer les barrières de notre environnement technologique pour protéger les données car tout le monde n'avait pas conscience que les informations données étaient absorbées et non plus propriétaires. Nous avons donc développé nos propres IA génératives en interne pour renforcer la sécurité. Bien sûr, cela implique de mettre en place des formations pour tous les collaborateurs amenés à les utiliser. 

Qui l’IA générative sert-elle le plus selon vous : l’entreprise, les collaborateurs ou le client ? 

Idéalement elle bénéficie aux trois. Cependant, il est essentiel de se questionner sur la finalité de cette productivité accrue grâce à l’outil qu’est l’IA générative. Si elle est utilisée pour optimiser la performance financière au détriment des effectifs, cela pose problème. Je crois en une productivité qui profite à la fois aux salariés et aux clients, et qui est économiquement viable. Cela nécessite une transformation réelle de nos modèles d'entreprise et une réflexion sur la durabilité. L'évolution de cette innovation est si rapide que le prochain pas est difficile à prévoir, mais selon moi, d’ici à cinq ans, l'IA générative sera probablement intégrée et industrialisée, et ne sera qu'un outil parmi d'autres, comme cela a été le cas pour les outils bureautiques et Internet. Cependant, les avancées technologiques sont tellement rapides que tout est encore possible dans un futur proche.