Depuis la première édition du FEB, le groupe SNCF en est l’un des partenaires. Cette année c’est vous Madame Dolveck Directrice Générale de la SA SNCF Gares&Connexions qui interviendrez sur le thème de la croissance durable et partagée, pouvez-vous nous dire le rôle que peuvent jouer les gares sur ce sujet ?
Ces trois mots, Croissance, Durable et Partagée sont très importants pour moi et ils sont le socle de la stratégie que je mets en œuvre depuis le 1er janvier 2020 dans les gares. Nous savons qu’il y a une urgence climatique et on peut se dire qu’il est déjà trop tard. Mais je crois fermement que nous pouvons encore avoir la main sur notre avenir. En tant que patronne des 3 000 gares de France, j’ai le devoir et la mission de prendre ma part. Je suis à l’intersection de 3 mondes : les transports et les travaux publics, secteurs responsables de plus de 50% des émissions de GES dans le monde et les commerces. Je les vois comme trois leviers d’action importants pour nous engager tous, autour des gares de tous les territoires, dans une croissance durable et partagée.
Quel est le rôle joué par les gares pour aller vers une mobilité plus durable ?
L’ambition portée par le groupe SNCF est de multiplier par deux l’usage du train d’ici 2030. Son patrimoine est extraordinaire : 28 000 km de lignes, dont 2 700 km de LGV, un des premiers propriétaires fonciers de France, avec pour les gares 10 millions de m2. Ce patrimoine, nous voulons le mettre au service de nos clients. En France, les transports représentaient 31% des émissions de CO2 en 2019, et le train seulement 0,3%. Faire grandir la part modale du train, pour les transports du quotidien ou pour les transports longue distance, c’est réduire celle d’autres modes de transport plus énergivores, c’est aussi nous rendre moins dépendant des énergies fossiles. Les gares ont un rôle à jouer, elles sont l’activateur de la mobilité responsable : pas de train sans gare ! 70 % des Français habitent à moins de 5 km d’une gare, et 90 % à moins de 10 km. Pour donner envie aux Français de prendre le train, il est par exemple nécessaire de renforcer la qualité d’accueil des voyageurs et visiteurs avec les programmes Hospitalité et Gares lieux de confiance, ou encore il est urgent de revitaliser les gares régionales, avec « Place de la Gare », qui vise à y installer de nouveaux services. Il faut également mieux penser l’intermodalité, qui est un pilier fondamental de la décarbonation, en installant des places vélos sécurisées aux abords des gares, et je sais que la Bretagne est très active sur ce sujet. Nous prévoyons également l'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques ainsi qu’un déploiement de 1,1 million m² de panneaux solaires (150 à 200 MWc) sur le foncier des gares. C’est l’équivalent de la consommation annuelle de 50 000 foyers environ. Enfin, en accueillant des espaces de coworking les gares peuvent devenir des lieux de « démobilité », c’est aussi un atout pour limiter les émissions de CO2.
Le secteur du BTP est également concerné par la transition écologique, en quoi cela concerne les gares ?
Nous concevons et maintenons nos 3 000 gares, et nous avons la chance de le faire avec notre filiale AREP, premier cabinet d’architecture de France, qui a développé la démarche d’écoconception EMC2B (Energie, Matière, Carbone, Climat, Biodiversité) : comment économiser les ressources en matériaux sur les aciers et bétons ? Quelle certification pour les bois utilisés ? Quel usage de matériaux de réemploi ? Comment préparer l’usage d’engins de chantier décarbonés ? En Bretagne, la gare d’Auray est un très bel exemple de cette démarche avec un format de bâtiment étudié pour limiter les besoins en chauffage ou climatisation, pour limiter la quantité de matériaux consommés, pour privilégier des matériaux produits à proximité du chantier. Nous travaillons également pour valoriser 100% de déchets sur les chantiers en 2035. En Bretagne, un projet de recyclerie est à l’étude, en lien avec les différents acteurs du territoire.
Vous parliez du programme « Place de la Gare », quels liens avec la transition écologique ?
On ne construit pas le monde d’après avec les solutions d’avant ! Nous devions faire évoluer notre vision des gares, notre manière de les utiliser. L’idée de « Place de la Gare » est d’ouvrir le système ferroviaire sur le territoire qu’il dessert en faisant entrer dans nos gares de nouveaux services utiles aux voyageurs mais aussi aux habitants. La gare peut être un formidable outil pour repenser la centralité et la proximité, pour lier le digital et l’humain et permettre ainsi à chacun d’accéder facilement aux services dont il a besoin. Ainsi, la gare de Plouharnel accueille depuis l’été dernier un coffee shop qui propose une carte bio et locale ainsi que des ateliers de formation, de culture, de sport… celle de l’Hermitage avec sa recyclerie offre une seconde vie aux objets. En travaillant avec ces porteurs de projets, les élus et les acteurs économiques des territoires, nous avons perçu une opportunité d’aller encore plus loin dans les services proposés avec par exemple la distribution de produits frais et de saison, ou encore des vélos de location, une conciergerie, un relai colis… Prochainement, un nouveau projet « Place de la Gare » va voir le jour en gare d’Hennebont avec un espace café, de la réparation de vélos, un espace de coworking, des salles de formation, de la vente de billets TER… Tous ces services de proximité, facilement accessibles sont conçus pour accompagner cette croissance durable et partagée que nous souhaitons tous.