
De quels éléments disposez-vous pour mesurer l’état de santé économique des entreprises bretonnes ?
Nous réalisons au début de chaque année une étude de conjoncture auprès d’un panel de plus de 1200 entreprises bretonnes, afin de connaitre leurs résultats et leurs prévisions. Suite à la crise sanitaire, nous avons souhaité l’actualiser, en leur demandant si elles confirmaient les réponses transmises en février dernier. Nous collectons actuellement les dernières données, et je serai en mesure de présenter les résultats de cette étude inédite lors du FEB le 8 septembre. Mais je peux d’ores et déjà vous dire que les chefs d’entreprises bretons semblent être un peu plus optimistes qu’en février !
Quelles sont les tendances de cette rentrée ?
Nous constatons que le secteur des services marchands aux entreprises a retrouvé son niveau d’avant la crise. C’est également le cas dans l’industrie - à l’exception de l’automobile en raison de tensions sur certains composants électroniques. Globalement, les stocks sont très bas, d’où une demande excédentaire par rapport à la normale pour les reconstituer. On s’attend donc à un rebond assez net, qui pourrait se traduire par une hausse des prix.
Quels sont vos éventuels motifs d’inquiétude ?
Il y en a un, essentiel en Bretagne : il concerne les ressources humaines. Près d’une entreprise sur deux (45%) rencontre actuellement des difficultés de recrutement, et cela dans pratiquement tous les secteurs. Or nous ne sommes pas encore entrés dans la période de rebond économique, qui risque d’accentuer ce phénomène. Cette situation pourrait là aussi s’accompagner de tensions inflationnistes, même si ce n’est pas encore le cas.
La Banque de France évalue régulièrement le bilan des entreprises. Comment évolue votre cotation en Bretagne ?
Nous ne constatons que très peu de dégradations de cotations. Les dépôts de bilan sont en baisse de 40%. L’endettement reste maitrisé, même si de nombreuses entreprises ont souscrit un prêt garanti par l’Etat. Mais dans leur immense majorité, elles ont fait le choix de le rembourser à l’issue de la durée maximale de détention. Autre constat positif : les entreprises ont continué de financer des équipements, il y a clairement de la confiance et des projets, et les établissements financiers accompagnent bien ce mouvement. C’est la grande différence avec la crise de 2008 qui s’était traduit par un gel brutal de l’investissement industriel.
Certains prédisent toutefois une fin d’année difficile…
C’est vrai pour les entreprises qui étaient déjà en difficulté avant la crise, et qui ne pourront pas faire face à leurs échéances avec l’arrêt progressif des aides et de l’échelonnement des charges. L’envolée récente du nombre de créations d’entreprises devrait aussi se traduire par une hausse mécanique du nombre de défaillances.
Dernière question : on va beaucoup parler de transitions au FEB. Comment la Banque de France accompagne-t-elle ces évolutions ?
Les chefs d’entreprises prennent conscience des enjeux de transitions lors de leurs décisions d’investissement, et nous souhaitons pouvoir les éclairer sur ces choix. Nous voulons ainsi inclure un indicateur RSE dans notre cotation, à horizon 3 à 4 ans. Il est actuellement en cours d’élaboration. Nous avons été précurseurs sur ces sujets, en suscitant la création du NGFS (réseau pour le verdissement du système financier) en faveur d’une finance plus responsable, et qui réunit désormais 80 banques centrales.
Propos recueillis par Xavier Debontride