Bernard Rouxel, président de Cooperl
Où en est le modèle agricole breton dans le monde bouleversé que nous connaissons ?
Bernard Rouxel : Il est évident que nous évoluons tous désormais dans un monde instable et complexe où les incertitudes économiques, géopolitiques, climatiques et sanitaires nous invitent chaque jour à gérer des risques mais aussi et surtout à réfléchir à nos valeurs communes. L’agriculture et l’agro-alimentaire sont probablement les secteurs les plus exposés à ces tensions. Le monde change et attend toujours davantage de qualité, de compétitivité et de sobriété. Il nous revient de le comprendre, de l’accepter et de nous organiser pour être à la hauteur de ces nouvelles exigences.
Comment l'activité de Cooperl évolue dans un tel contexte ?
Bernard Rouxel : A l'échelle de Cooperl, nous couvrons tous les maillons de la filière porcine, depuis l'élevage jusqu'à la distribution de produits alimentaires. Nous nous sommes toujours attachés à adapter constamment notre modèle pour renforcer notre durabilité, tout en répondant aux attentes sociétales mais aussi aux attentes de nos marchés. C'est un équilibre difficile à trouver. Depuis presque 60 ans, nous avons réussi à faire évoluer nos pratiques parce que nous nous attachons à transformer les contraintes en opportunité, à toujours bâtir des solutions concrètes garantissant l’avenir des générations qui nous succéderont. C’est un vrai défi que nous relevons ensemble, adhérents et salariés de la coopérative. Nous voyons aujourd'hui que nos investissements précurseurs, pour mieux maîtriser notre impact sociétal deviennent des critères de différenciation déterminants : l'accès à des dispositifs de financement ou à des nouveaux marchés ne s'établit plus uniquement sur des équations économiques, mais aussi en considérant des variables environnementales ou de bien-être animal par exemple.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d'adaptations ?
Bernard Rouxel : Nos 12 engagements pour le Développement Durable sont déclinés dans notre programme Solutions 2030. Bien avant les autres pays d’Europe, la France a exigé de sa filière porcine qu’elle respecte les directives environnementales. La Bretagne est aujourd'hui citée en exemple par ses voisins européens pour ses résultats sur l'amélioration de la qualité de l'eau. Cooperl a investi en 20 ans plus de 400 M€ dans son pôle d'économie circulaire, avec aujourd'hui des résultats tangibles en matière de recyclage d'eau, de décarbonation ou de production de bioénergies. Bien avant ses concurrents en France, Cooperl a travaillé la question du bien-être animal, de la démédication, de la réduction de l’usage des pesticides. Déterminer et mettre en place les bonnes “Solutions 2030” dans les exploitations agricoles et dans la coopérative, pour mieux utiliser les ressources telles que l’eau ou l'énergie, mieux valoriser les ressources humaines, améliorer notre empreinte carbone, contribuer à la préservation de la biodiversité, voilà notre feuille de route. C’est un travail difficile, exigeant, mais pas insurmontable.
Ces adaptations seront-elles suffisantes ? Comment voyez vous l'avenir ?
Bernard Rouxel : Il est certain que pour garantir la pérennité de notre activité, nous devons respecter deux éléments fondamentaux : 1. tout faire pour que le métier d'éleveur reste rentable 2. donner un cap avec une vision de long terme sur toute notre filière. Nous préparons chaque jour l'avenir par des investissements stratégiques et productifs. Par exemple, nous installons actuellement une unité de récupération de 5000 tonnes de CO2 contenues dans le biogaz issu des effluents d'élevage. Autre grand projet, nous ambitionnons dès 2026 de produire par nous même un biocarburant avancé à partir de déchets graisseux animaux, pour faire rouler les camions de la Cooperl et demain les tracteurs des adhérents. Tous ces défis que nous relevons sont passionnants. Je me réjouis quand je vois l'énergie de la jeune génération qui nous challenge et qui nous apporte toutes ces solutions.
