Forum Economique Breton 2024

ADEME ENTREPRISES, OSEZ LA SOBRIÉTE

La sobriété est essentielle pour tous les acteurs de notre société.
C’est une notion transversale qui nous pousse à repenser notre façon de travailler, consommer, produire : vivre en somme. La sobriété, c’est un équilibre fragile qui permet un développement économique inclusif et durable. Alors comment l’adopter au sein de nos entreprises ? Récapitulatif de tout ce qu’il faut savoir grâce à Stéphanie Borie de l’Ademe Bretagne. 

« Dans un contexte où les ressources naturelles sont limitées, la sobriété consiste à nous questionner sur nos besoins et à les satisfaire en limitant leurs impacts sur l’environnement. Elle doit nous conduire à faire évoluer nos modes de production et de consommation et plus globalement nos modes de vie, à l’échelle individuelle et collective. » Ce sont avec ces mots que l’Ademe (Agence de la transition écologique) définit la Sobriété. Un terme qui revient comme un boomerang dans toutes les conversations depuis la crise énergétique de 2021 liée au conflit russo-ukrainien. La sobriété est une démarche concrète qui concerne nos modes de vie : comment on s’habille, on s’alimente, on se déplace, on consomme, où on habite, etc. « Il est important de parler des sobriétés tant il est urgent d’engager un usage parcimonieux de toutes les ressources : l’eau, les métaux, la biodiversité… ou encore le sol, dans un contexte où l’application du Zéro Artificialisation Nette (le ZAN) impactera l’implantation des entreprises sur les territoires », précise Stéphanie Borie, référente Entreprise à l’Ademe Bretagne. « L’activité économique sera fortement impactée demain, négativement ou positivement, selon le positionnement des modèles économiques sur le rapport volume/valeur et la réponse de l’offre à des besoins essentiels ou superflus. Jusqu’à présent, les entreprises ont surtout activé des leviers d’ « efficacité », souvent confondus avec la sobriété, qui maintiennent le modèle en réduisant plus ou moins les impacts, sans questionnements ni évolutions », poursuit-elle. 

PRODUIRE SANS PRIVATION ET SANS DÉGRADATION

Un concept illustre bien la notion concrète de sobriété. Il s’agit de la « Théorie du Donut » pensée par l’économiste britannique Kate Raworth dans un ouvrage paru en 2018 chez Plon. Dans son livre, l’autrice livre les conditions d’une économie durable, dans laquelle il serait possible de garantir une réponse aux besoins fondamentaux des individus tout en ne limitant pas les possibilités des générations futures grâce à la protection de notre écosystème. Elle propose à ce titre une représentation visuelle des conditions d’un développement économique inclusif et durable, tenant à la fois compte d’un « plancher social » à assurer et d’un « plafond environnemental » à ne pas dépasser pour garantir un espace sûr et juste pour l’humanité. En se basant sur cette théorie, la sobriété consiste à se maintenir dans l’espace vert clair du « Donut », sans privation mais sans dégradation pour la planète. 

Ce schéma permet de visualiser simplement la nécessité, pour créer un espace sûr, juste et pérenne pour l’humanité, de concilier :

 - La réponse aux besoins humains fondamentaux (ex : nourriture, eau, éducation, équité…) d’une part : il s’agit d’éviter les privations humaines critiques.
 - Et les limites planétaires (ex : changement climatique, biodiversité, océans, sols…) d’autre part : il s’agit de ne pas dépasser les seuils naturels critiques. 

L’enjeu n’est donc pas seulement environnemental, mais également éminemment social (avec des questions de bien-être social, d’inclusion, d’équité). « Pour l’ADEME, l’enjeu d’une démarche de sobriété est de construire un nouvel équilibre pour les filières économiques respectueuses des ressources planétaires, et qui soit créateur de valeur, d’emploi et de qualité de vie, expliquait récemment Sylvain Waserman, Président de l’Ademe. Une démarche de sobriété permet d’atteindre cet équilibre : c’est un véritable levier de résilience et d’adaptation », concluait-il. 

NE PAS CONFONDRE SOBRIÉTÉ ET DÉCROISSANCE

La sobriété est souvent à tort associée à une décroissance économique et de notre qualité de vie. Pour l’Ademe, l’enjeu d’une démarche de sobriété est de construire un nouvel équilibre pour les filières économiques compatible avec les limites des ressources planétaires, et qui soit créateur de valeur (matérielle et immatérielle : nouveaux produits et services, compétences, connaissances, coopérations…), d’emploi et de qualité de vie (biodiversité, santé…). La sobriété permet d’atteindre cet équilibre : c’est un moyen de résistance aux crises et d'adaptation face à la vulnérabilité de notre modèle actuel, compatible avec notre développement. 

Si une démarche de sobriété transforme effectivement les conditions d’activité de certains secteurs économiques, pour autant elle n’est pas synonyme d’une restriction de la satisfaction des besoins humains, ni de récession. Son rôle est de produire des opportunités et de mettre au jour de nouvelles sources de valeur. 

 Dans les conditions actuelles et face aux problématiques d'épuisement des ressources naturelles, de changement climatique et de destruction du vivant, nous courons le risque d'un choc majeur pour notre économie et nos modes de vie. Les récentes successions de crises systémiques (COVID 19, sécheresse, pénurie d’eau, inondations, incendies…) témoignent de la vulnérabilité du modèle actuel. C’est en restant sans rien faire que nous nous exposons inexorablement à subir une décroissance brutale et contrainte, avec des conséquences majeures sur l'emploi et sur la qualité de vie. 

QUELLES ACTIONS MENER

 Ce constat en tête, la démarche de sobriété peut démarrer. L’ Ademe a identifié trois niveaux d’action :
1) Modérer l’usage, 
2) Substituer par une autre pratique,
3) Renoncer à sa pratique ou s’en abstenir. 

 Appliquée à la consommation et la production, la sobriété peut aussi s’intégrer de façon pratique de cinq façons concrètes :
 1 – Modérer l’utilisation des biens et services (exemple : questionner l’usage de la publicité lorsqu’elle incite à consommer toujours plus en volume) ; 
2 – Réorganiser les activités et l’espace (exemple : créer une cellule d’éco-conception ou envisager de nouvelles offres d’économie de la fonctionnalité et de la coopération) ; 
3 – Questionner la dimension d’un bien ou d’un service (exemple : proposer des conditionnements de produits qui correspondent à l’usage) ; 
 4 – Repenser le rapport au temps (exemple : questionner le délai du retour sur investissement, questionner la nécessité de délais de livraison fortement réduits) 
5 – Mutualiser la consommation (exemple proposer de la location de ses produits).